Dans l’univers éclatant et souvent éphémère de la mode numérique, certaines influenceuses ont troqué les rues animées de Paris ou New York pour des mondes virtuels où les vêtements se déclinent en pixels plutôt qu’en tissus. Alors que les enseignes comme Zara, H&M, Shein, PrettyLittleThing, Boohoo, Missguided, ASOS, Mango, Stradivarius et Pull&Bear dominent les armoires réelles, un phénomène singulier prend de l’ampleur : ces influenceuses reçoivent des pièces uniques, parfois extravagantes, qu’elles ne portent jamais dans la vie réelle.
La mode virtuelle : quand les influenceuses s’habillent d’imaginaire
Daniella Loftus, passionnée de mode britannique, incarne cette nouvelle génération d’adeptes du vêtement immatériel. Depuis plus d’un an, elle explore l’art de s’habiller virtuellement, troquant la sensation du coton ou la texture du cuir contre des créations conçues par des artistes numériques. Son engagement est tel qu’elle a quitté son emploi traditionnel pour vivre pleinement cette expérience hors du commun.
Son parcours révèle une friction entre les attentes classiques et une réalité en mutation : « J’aime la mode, j’aime toucher les vêtements », confie-t-elle, mais ses amis peinent à comprendre cet amour pour une mode invisible. Pourtant, pour une large partie de sa génération, adolescente et baignée dans l’univers des jeux vidéo comme Fortnite, cette frontière entre réel et virtuel est poreuse. Elle illustre un passage symbolique vers un futur où les choix vestimentaires s’accompagnent d’une conscience numérique et environnementale.
Le marché caché des vêtements numériques : au-delà du visible
Le numérique offre à Daniella des tenues extravagantes façonnées par des créateurs exclusivement digitaux, à l’instar de la haute couture, mais sans matière ni tissu. Cette révolution s’est accélérée pendant la pandémie, lorsque les confinements ont coupé les sorties, désamorçant l’envie ou la possibilité d’investir dans des vêtements physiques. Au contraire, les univers virtuels devenaient un terrain de jeu sans limite où la mode n’était plus contrainte par les lois du réel.
À l’instar des grandes enseignes physiques — Zara, H&M ou Mango — qui ont dû réinventer leurs stratégies marketing face à la montée du digital, les créateurs de mode virtuelle offrent un renouvellement constant, avec des robes numériques vendues à plusieurs dizaines d’euros, comme cette robe verte à traîne à 69 euros acquise par Daniella. Ce prix peut sembler élevé, mais il souligne l’évolution de la valeur accordée à un vêtement, où la matérialité cède le pas à l’exclusivité et à l’innovation.
De la mode éthique à la défense des vêtements virtuels : le combat d’Isabelle Boemeke
Isabelle Boemeke, mannequin brésilienne vivant aux États-Unis, a fait de la prise de conscience écologique son fil rouge. En parallèle de ses défilés, elle a créé son avatar, Isodope, qui porte un message engagé autour de la mode numérique et de la lutte contre le réchauffement climatique via l’énergie nucléaire. Sa démarche va bien au-delà d’une tendance : elle est une déclaration politique contre le gaspillage textile.
En effet, l’industrie de la mode continue de générer des chiffres alarmants. Même si les collections proposées par des marques comme Stradivarius, Pull&Bear, ou Missguided restent accessibles, 92 millions de tonnes de vêtements finissent chaque année à la poubelle, selon une étude datant d’une décennie. Le vêtement est souvent porté à peine sept fois au Royaume-Uni. Pour Isabelle, adopter des vêtements virtuels pourrait réduire ce gâchis en transformant radicalement nos pratiques et nos habitudes.
Réalité augmentée et identité numérique : un vestiaire sans frontières
L’avatar Isodope fusionne réalité et virtualité, offrant des conseils beauté qui se transmutent en plaidoyer pour la planète. Le numérique ouvre la voie à des interfaces de création et des lunettes connectées permettant de métamorphoser les vêtements en temps réel dans le regard des utilisateurs. Dans ce monde augmenté, les diktats classiques de la silhouette ou du style s’effacent au profit d’une liberté d’expression complète, accessible à tous.
Pour certaines, ce modèle renouvelle la notion même de vestiaire, n’étant plus un lieu physique mais un espace virtuel où l’imagination règne en maître. “Si vous ne correspondez pas aux standards traditionnels, vous pouvez devenir ce que vous voulez”, résume Daniella loftus, soulignant le potentiel émancipateur de cette mode dématérialisée.